Lauréats... Ils se rappellent.

Mathilde Lemaire (2014)

Mathilde Lemaire France Info Grand Prix Radio 2014  pour « Ukraine, le train de l’exode »

« J’avais été très honorée d’être récompensée par mes pairs. Je confesse une certaine fierté d’avoir reçu ce prix Prix Varenne 2014, un prix qui revient souvent à des reportages empreints d’humanité et de sensibilité, et qui avait par le passé récompensé des journalistes dont j’admire le travail. La traversée de l’est de l’Ukraine dans un train que j’avais qualifié de « train de l’exode » m’avait profondément marquée.  Je repense aux enfants qu’on ne voyait plus dehors depuis des jours et qui réapparaissaient sur le quai de la gare de Donetsk ce matin-là assis sur les lourdes valises de leurs parents. Je repense au courage des personnels de la compagnie de chemin de fer qui continuaient de travailler sur des parcours sans cesse modifiés au gré de l’évolution des combats dans le Dombass.

«Réécouter ce reportage est troublant»

Détail presque incongru :  les hôtesses écoutaient Jean-Jacques Goldman dans le mini-wagon bar où elles préparaient des litres de thé. Je me souviens aussi des larmes d’une mère allaitant son bébé et se demandant comment elle allait entamer une nouvelle vie à Kiev si loin de chez elle. Kiev tristement rattrapée par la guerre depuis. Réécouter ce reportage aujourd’hui, neuf ans plus tard est assez troublant. Car il y a eu depuis le terrible 24 février 2022 des centaines de trains de l’exode en Ukraine.  L’invasion du pays par les troupes russes a mis près de huit millions de personnes sur les routes européennes.

Aujourd’hui je ne vais plus en Ukraine ni dans aucun pays en guerre mais fréquente les salles d’audiences des palais de Justice en France le plus souvent.  J’ai quitté le service « Reportage » pour celui des enquêtes et de la Justice, univers différent mais tout aussi passionnant.

Si je devais passer un message aux futurs candidats du Prix Varenne, c’est de choisir de présenter les sujets qui les ont le plus renversés. C’est souvent ceux qu’on écrit le mieux. Être reporter c’est donner à voir, à entendre des ambiances, c’est décrire les couleurs, les odeurs. Cela nécessite de mettre tous ses sens en éveil et ils ne le sont jamais tant que lorsqu’une situation et des rencontres nous troublent, nous bouleversent ».

Fondation Varenne Mathilde

Lors de la remise des Prix en 2014 présidée par Cédric Villani©FAV

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